Lectures mai 2009
Est-ce ainsi que les femmes meurent ? - Didier DECOIN
Un récit très fluide, pas de sentimentalisme, les faits suffisent. Cette affaire a donné naissance au syndrome Kitty Genovese : plus il y a de témoins et plus les chances d'intervention sont faibles. Chaque personne étant convaincue qu'une autre agira. Dérangeant mais néanmoins humain.... D'autant plus fascinant.
Merci Praline pour le prêt.
"D’après le rapport des flics, ils étaient trente-huit. Trente-huit témoins, hommes et femmes, à assister pendant plus d’une demi-heure au martyre de Kitty Genovese. Bien au chaud derrière leurs fenêtres. Certains entortillés dans une couverture, d’autres qui avaient pris le temps d’enfiler une robe de chambre. Aucun n’a tenté quoi que ce soit pour porter secours à la pauvre petite. » Didier Decoin s’est inspiré de ce fait divers, qui fit d’abord l’objet d’un entrefilet, « une habitante du quartier meurt poignardée devant chez elle », avant de passer à la Une de tous les journaux, une fois que la lâcheté des témoins devint le vrai sujet d’enquête pour la presse."
Ecrits fantômes - David MITCHELL
Un livre très étonnant, dense, aux ramifications éparses... On voyage énormément, on rencontre de nombreux personnages mais l'ensemble reste un peu inégal à mes yeux. Il m'a manqué je crois, plus de passerelles entre les histoires ou un final plus spectaculaire peut-être.
"J'ai séjourné deux ans dans le docteur; c'est là que j'ai pu apprendre à connaître l'espèce humaine et ce qu'elle a d'inhumain. Appris à lire les souvenirs, à les effacer et à les remplacer. Appris à contrôler mes hôtes. L'Homme était mon jouet. J'ai également appris la prudence. Un jour, j'annonçai au docteur qu'un être immatériel vivait dans son esprit depuis deux ans. " Un terroriste à Tokyo, un trader à Hong-Kong, l'âme d'un shaman en Mongolie, des trafiquants d'art à Saint-Petersbourg, une voix dans le cyberspace... ces personnages - et bien d'autres encore - appartiennent, sans le savoir, à la même histoire. Quel est donc le lien qui les réunit ?"
J'habite dans la télévision - Chloé DELAUME
C'est sûrement le livre de Chloé Delaume qui m'a le moins plu pour le moment. Sûrement parce que le sujet de la télévision me passionne de moins en moins ! Quelques trouvailles fortes néanmoins comme "ces oiseaux morts" dans nos têtes...
"La narratrice n'a besoin de rien. Elle n'a plus besoin de rien. Et pour cause : elle habite dans le grand tout. Le grand tout où l'on est ce qu'il faut désirer. Son cerveau n'est plus disponible. Elle a franchi le plasma. Elle ne sait rien faire d'autre à part rester plantée. En d'autres termes, elle est devenue la sentinelle. Il en faut toujours une. Depuis avant-hier, elle habite dans la télévision. Peu à peu, elle adapte le biorythme de la télévision au sien. Sa perception se modifie, elle ne parvient plus à hiérarchiser ce qu'elle assimile et son registre langagier devient l'éponge de celui qui est tenu à l'intérieur du petit écran."
Le fusil de chasse - Yasushi INOUE
Trois lettres : une même histoire relatée par trois femmes impliquées chacune à leur manière. Minimaliste et diablement efficace.
Un jardin de papier - Thomas WHARTON
Encore un livre qui parle de livres mais je ne m'en lasse pas ! C'est un titre que j'avais noté grâce aux recommandations des libraires diffusées sur AuteursTv. Il s'agit effectivement d'une histoire Tim Burtonesque à souhait et ça, j''adore (ex : le château aux pièces en perpétuel mouvement, l'automate, etc...). Ce livre regorge d'inventions et de personnages mystérieux, j'ai beaucoup aimé me promener dans cet univers mais je m'y suis parfois un peu perdue. Peut-être un souci de rythme sur l'ensemble de la narration.
"Chaque livre a sa propre histoire. Pour embrasser toutes celles qui fleurissent dans ce Jardin de papier, il faut en raconter plusieurs autres : d’abord celle d’une jeune fille rencontrée dans les ruines d’une librairie de Québec en 1759, puis celle de l’imprimeur anglais Nicolas Flood, sommé de créer un livre infini pour satisfaire la lubie du comte d’Ostrov, excentrique passionné d’énigmes et de mécaniques fantasques. Absorbé tout entier dans la poursuite de cette chimère, Flood entreprend un périple fabuleux qui le mènera autour du globe en compagnie de personnages tout droit sortis d’un cirque ou des Mille et une Nuits : Djinn, un être auréolé de mystère, Ludwig, l’automate, Amphitrite, corsaire à la peau d’ébène, et la jeune Pica, capable de respirer sous l’eau."
Où on va papa ? - Jean-Louis FOURNIER
A sa sortie, j'ai eu très envie de le lire car le ton me paraissait vraiment singulier. L'occasion ne s'est présentée que maintenant et c'est tant mieux car cela m'a permis de l'apprécier sans en attendre trop non plus. Tout ça pour dire que c'est une lecture que j'ai trouvée attachante même si le style m'a chiffonnée par moment. Une déclaration décalée mais pas moins tendre à ces enfants dont la tête est "remplie de paille".
Merci Virgo pour le prêt.
"Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J’avais honte ? Peur qu’on me plaigne ? Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c’était pour échapper à la question terrible : « Qu’est-ce qu’ils font ? » Aujourd’hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j’ai décidé de leur écrire un livre. Pour qu’on ne les oublie pas, qu’il ne reste pas d’eux seulement une photo sur une carte d’invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n’ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d’ange, et je ne suis pas un ange. Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d’une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d’eux avec le sourire. Ils m’ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement."
La dame n°13 - José Carlos SOMOZA
Ce Somoza commence décidément à bien me plaire... Si Daphné disparue m'avait déjà fort intriguée, celui-ci m'a carrément emportée ! L'intrigue est cette fois-ci rondement menée et les muses interviennent encore mais d'une toute autre manière. J'ai aimé la noirceur, le fantastique au service d'une belle réflexion sur les traces que laissent en nous les mots, l'importance des rêves, la question de l'inspiration... J'ai tout aimé, tout !
"Une clandestine hongroise, un vieux médecin pragmatique et un professeur de lettres désaxé forment la profane tri-nité chargée de juguler les pouvoirs de treize sorcières du verbe. Dans ce suspense fantastique, la poésie, censée réfléchir toutes les beautés du monde, devient la plus raffinée des armes de destruction."